Tout ça pour une pomme [Pv Cthulhu]

Quel jour étions nous? Mardi? Τρίτη ['triti]? Martedì? الثلاثاء? Je soupirai mentalement en me rendant alors compte que les mots que j'énumérais dans ma tête voulaient tous dire la même chose. Que voulez-vous, quand on a vécu plusieurs millénaires et ainsi connu toutes les langues possibles et inimaginables, on se mélange par moment. Enfin bref, passons. Toujours était-il que si je ne me trompais pas, il devait être quelque chose comme mardi. C'était donc le jour où je devais me donner en spectacle et amuser (ou effrayer dans le cas présent) la galerie. Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire, je vous jure.

Rouvrant les yeux, bien que j'aurais préféré encore dormir un moment, si ce n'est à jamais histoire qu'on me fiche enfin la paix une bonne fois pour toute, je levai la tête et la secouai un instant pour me réveiller complètement et mettre toutes mes facultés ainsi en marche. Il serait fâcheux que je me cogne quelque part juste parce que j'étais mal réveillé, et se serait aussi honteux. Le leviathan, le terrifiant monstre marin qui se ramasse juste parce qu'il est encore à moitié endormi. Je ne vous raconte pas comment d'un coup je perdrais en crédibilité si cela devait arriver. Fort heureusement, ce n'est pas le cas.
Je dépliai ainsi mon corps enroulé sur lui même, un peu engourdi malgré tout -j'avais dormir quatre jours d'affilés aussi. On ne voyait pas grand chose ici, si ce n'était même rien du tout. Afin de me reposer en paix, j'avais tendance à me glisser dans de profondes failles sous marines. Rare sont les êtres vivant en ces lieux où l'obscurité est maître. De toutes façons, avec ma vision laissant à désirer, le noir total des lieux m'était des plus indifférents. J'avais appris à parfaitement me mouvoir sans user de ma vision après tout. Je fis quelques ondulations dans l'eau en remuant. Les ondes allant s'écraser contre les parois rocheuses de la faille avant de me revenir m'indiquèrent ainsi mon emplacement dans tout ça et les obstacles autour de moi. Ainsi donc, je n'avais plus qu'à nager vers la surface, ce que je fis sans tarder.
J'avais oublié que cette faille était aussi profonde, il me fallut bien quelques minutes de nage pour en sortir tout de même. Mais bon, au moins, j'avais eu la paix. Une fois sorti, bien que les eaux restaient bien sombre à cette profondeur, je fis fuir plusieurs poissons en train de grignoter du corail ici et là. Si j'avais eu ma forme humaine, je pense bien que j'aurais souri. Ces petits machins pensaient vraiment que j'allais les dévorer? Un seul d'entre eux représentait à peine un millième d'un repas pour moi. Oui, mes proies étaient plus de l'ordre des baleines, mais une chance pour ces dernières, je n'avais besoin que de me nourrir une fois tous les trois mois, ce qui ne m'empêchait pas non d'avoir des petits creux de temps à autre, ou de simplement manger par plaisir.

Sortant de mes pensés, je me mis donc à nager vers les côtés, croisant parfois un ou deux bateaux près de moi et que j'ignorais. J'avais beau avoir la réputation de monstre marin, je n'attaquais quand même pas sans raison. Je pouvais toutefois deviner sans mal les humains s'agitant dessus en voyant mon ombre et s'affolant de peur que je ne me décide à les dévorer. Un peu comme les petits poissons de tout à l'heure en somme.
Une fois arrivé assez près des berges, je pris la direction du port de la ville. Là l'eau était suffisamment profonde pour que mon corps reste immergé et c'était aussi là qu'on m'attendait. Je ne tardai à y arriver d'ailleurs. Un grand nombres d'humains étaient déjà sur la place, et en voyant mon ombre je les entendis s'agiter d'autant plus. Je soupirai une nouvelle fois intérieurement, et c'était reparti pour un tour.
Sortant la tête de l'eau, l'élevant de plusieurs mètres, tout en faisant attention à bien refermer mes branchies -il serait regrettable que de l'air rentre dedans et j'avais fort heureusement des poumons en plus pour respirer aussi hors de l'eau- je poussais un cris strident, dévoilant mes imposantes canines. Je vis plusieurs humains reculer, impressionnés et effrayés, avant de tourner la tête sur le côté -n'oublions pas que mes yeux sont sur le côté. Je pu alors observer deux vaches attachées au bord du porc, tous les humains s'étant éloignés d'elles de plusieurs mètres. Les deux animaux étaient terrifiés et ne cessaient de meugler.
Je ne sais pas qui leur a donné cette idée à la base, mais les humains s'étaient mis dans la tête que pour être tranquille ils se devaient de me faire des offrandes. Franchement, ça n'allait rien changer, je ne suis pas quelqu'un qu'on achète de la sorte, mais les dieux m'avaient ordonné de jouer le jeux, comme quoi ça rendrait les hommes plus dociles.
Soit, pourquoi pas. Approchant ma tête du port, provoquant un mouvement de recul de la part de la population, je louchai un instant sur les deux bovins avant d'ouvrir la gueule pour les gober, arrachant en même temps une partie de la barrière où ils étaient accrochés mais cela m'importait peu. Vu le nombre de morceaux de bateaux que j'ai avalé, voir même de lances ou boucliers, mon estomac n'était plus à ça près.
Une fois mon en cas -je ne pourrais qualifier ça de repas tellement il est maigre- finit, je poussai un nouveau cris avant de disparaître sous les eaux et de m'éloigner. Et dire que c'était le même cinéma toutes les deux semaines. Ils pourraient au moins changer un peu, les vaches, c'est bien, mais à la longue, c'est fatigant.

Toutefois, n'étant plus d'humeur à dormir, je décidai de faire un tour dans la citée histoire de m'occuper. Je m'éloignai donc suffisamment, de façon à ce que je ne sois plus visible depuis la surface, puis je pris alors forme humaine, celle que j'avais en ce moment, c'est à dire un garçon de 16ans blond aux yeux bleus et aux cheveux en bataille. Toutefois, afin de ne pas me noyer non plus, je conservai mes branchies au niveau de mon cou.
Bon, c'était pas pour dire, mais à cette taille, c'était plus long de rejoindre le port et je n'avais pas envie de faire tout ça à la nage. Observant autour de moi, je vis une raie manta passer non loin. Je poussai alors un cris qui se propagea sous l'eau -un peu comme font les dauphins si vous voulez. La bestiole se tourna vers moi, puis après quelques hésitations, elle s'approcha -comprenant qu'il valait mieux coopérer avec moi. La différence avec les humains étaient que les animaux, même si j'avais forme humaine, savait sentir que j'étais un prédateur et qu'il valait mieux s'accorder mes faveurs que l'inverse.
Une fois qu'elle fut à côté de moi, je m'allongeai sur elle, posant mes mains près de sa tête pour m'accrocher et ne pas la gêner en même temps, puis elle fila vers la côte. Certes, elle n'était pas aussi rapide que moi, mais c'était déjà mieux que si j'avais fait tout le chemin sous cette forme. Une fois arrivé, je la lâchai et la remerciai -oui, je sais être poli tout de même. La raie fila donc sans tarder, visiblement peu rassurée de rester plus longtemps avec moi. Bah, je pouvais la comprendre.
Sortant la tête de l'eau, faisant disparaître mes branchies pour à présent respirer avec mes poumons, j'observai autour de moi un moment avant de trouver une échelle me permettant de grimper, ce que je fis sans tarder. Après mon passage sur le port, il n'y avait généralement plus personne pendant une ou deux heures, ce qui me permettait de m'infiltrer sans problème. Nul doute qu'on se serrait posé des questions en voyant un gamin sortir de l'eau comme ça.

Bon, j'étais trempé en tout cas, normal, et il était peu malin de se balader en ville comme ça. Je m'assis donc au soleil, attendant juste de sécher, ce qui du prendre une petite heure. Je voyais d'ailleurs des gens commencer à revenir.
Me redressant, je m'étirai un instant avant de prendre la direction de la ville, et plus précisément la rue commerçante. J'aimais bien cet endroit, c'était animé et on y voyait toujours de nouveaux trucs. Là, par exemple, y avait un type qui s'allongeait sur un lit d'aiguille en prétendant ne pas avoir mal. Cela me laissa un peu sceptique sur les bords, mais bon, les humains avaient toujours été étranges après tout.
Laissant mes yeux glisser sur les divers étalages, mon regard s'arrêta sur celui des fruits et légumes. Cela me fit penser que, mis à part les vaches et les baleines, ainsi que quelques poissons parfois, je ne mangeais pas vraiment de légumes ou autre. Bah, je carburais à la viande, mais ça ne m'empêchait pas d'apprécier le reste. C'est ainsi que je finis par m'approcher de l'étalage, attrapant une pomme rouge avant de la croquer sans plus attendre.
J'allais reprendre tranquillement ma route quand on m'attrapa soudain par l'épaule pour me faire me retourner. Je fis alors face à un homme assez trapu à la peau mate qui me fixait d'un air sévère.

-On part pas sans payer, gamin! grogna-t-il.

Hein? Payer? Mes yeux glissèrent alors sur la pomme que je tenais.
Ah, oui... j'avais encore oublié. J'étais tellement au dessus de tout ça que je ne faisais jamais attention au fait que pour avoir quelque chose chez les humains on devait donner de l'argent.

-J'ai pas de sous. répondis-je d'un ton fatigué, pensant que si j'avais eu ma vraie forme il m'aurait sûrement refilé son magasin entier sans faire d'histoire.

Mais la réponse ne sembla pas plaire à l'homme qui leva dans la main sans doute dans le but de me frapper. Dommage pour lui, mais niveau réflexe j'étais bien plus vif. Baissant la tête pour échapper au coup, je lui écrasai brutalement le pied. S'il cria de douleur, cela le fit surtout me relâcher, me permettant de filer, la pomme toujours en main au passage.
Ne voulant visiblement pas en rester là, il se mit à me poursuivre. Qu'il pouvait être têtu. De plus, à laisser son échoppe ainsi sans surveillance, il ne fallait pas qu'il s'étonne que quelqu'un vienne tout lui prendre pendant ce temps. En tout cas, je n'étais pas un champion en course -j'étais une créature marine à la base après tout-, mais j'étais sûrement suffisamment rapide pour échapper à un imbécile pareil.

Un rêve. Un rêve d'un vide extrême dont les limites ne semblaient exister quand on s'y prêtait rapidement. Mais qui était ce groupe de créatures flottant tout autant de la présence dont les yeux pouvaient analyser cette scène des plus particulières ? Il ne s'agissait d'autre que du groupe des Grands Anciens. Ces monstres divins obsédés par l'ordre et le pouvoir, et surtout par la jalousie de conquête. Raison première de pourquoi ils ont envoyé Cthulhu sur cette planète hostile et misérable pour y sommeiller en silence pour l'éternité. Mais attendez, le rêveur, qui est-il en réalité ? Ces palmes d'une longueur démesurées dépassant de son hors-champ de vision. Nul doute, il était bien question du grand Cthulhu, le Dieu dormant sur les horizons lointain d'une galaxie encore trop inexplorés par ceux qui l'y ont envoyé. Ces monstres s'approchèrent d'ailleurs dangereusement de sa personne, l'observant de par leur yeux immondes et pleins de vices. Quand ils furent suffisamment proche, la vision du Dieu Poulpe changea totalement. Il ne se trouvait plus au milieu de l'espace infini, mais dans un Océan qui lui était complètement inconnu, mais qui pourtant étrangement, lui était quelque peu familier à première vue.

Qu'est-ce qu'il foutait là ? Entre le rêve et la réalité ? Ou alors était-ce encore là une onde de folie qui s'emparait de son être ? Sa conscience sommeillait-elle ou avait-elle émergé pour lui permettre de se réveiller ? Il ne pouvait en être sûr, ayant pu voir cette fin de rêve des plus dramatique pour lui. Mais, progressivement, le Dieu dormant pu se souvenir que cet événement eut déjà lieu dans le passé, dégradant et déshonorant pour sa personne divine et toute puissante. Enfin, ça c'est qu'il essayait de penser du plus profond de son être. Même de s'en persuader encore alors qu'il avait été rejeté il y a de cela des centaines de milliards d'années par ces Dieux dont retrouver aujourd'hui la trace, lui serait extrêmement compliqué. Pourquoi désirait-il les retrouver ? Par simple principe, et vengeance personnelle pour lui avoir retiré tout ce nectar de conquête et de pouvoir absolu sur des centaines de peuples. Il était autre fois adulé, craint et même parfois hais par des êtres pour qui il n'avait à ce moment là plus aucune pitié. D'ailleurs, de la pitié, il n'en avait jamais eu, pour personne et encore moins pour ces Dieux qui se croyaient supérieur à lui. Mais trêve de pensées hasardeuse, il était maintenant temps pour Cthulhu d'analyser sa position actuelle. Regardant tout autour de lui, et surtout au dessus. Il constata qu'il était tout de même pas mal enfoncé dans la mer, et qu'à côté de lui se trouvait un minuscule coquillage orange. Pourquoi prêter attention à un coquillage aussi petit alors qu'on est soit-même gigantesque de taille me direz-vous ? C'était simplement un point de repère au cas où le Dieu dormant aurait changé de place durant son sommeil. Mais alors cela voudrait donc dire qu'il était conscient de s'être endormi ici ? Mais ça y est, tout lui revenait maintenant ! Il s'était enfoncé dans l'Océan afin d'y faire une simple sieste de quelques heures. Comment avait-il pu oublier ça enfin ?! C'était sans doute les effets de sa sieste millénaires qui n'étaient pas encore passés. Enfin bref, tout ça pour dire que le Dieu, d'un coup de palmes s'élança vers la surface assez rapidement. Abandonnant ce cher coquillage à son triste sort, c'est à dire se faire brutalement emporter les courants marins que venait de créer Cthulhu en battant des palmes.

Sans grande difficulté, le Dieu poulpe arriva à la surface et sans trop y faire gaffe, il percuta un bateau qui se retourna à cause du trop grand impact. Il y avait-il des êtres vivants à l'intérieur ? Possible, mais de toute façon c'était loin d'être le premier soucis de Cthulhu pour l'instant. Lui qui par le passé avait anéantis des centaines de peuples et rasés des planètes entières, il n'allait pas aujourd'hui se montrer compatissant envers quelqu'un. Il savait tout de même garder un minimum de dignité et d'amour propre, enfin, surtout quand il était démesuré. Regardant ces petits êtres couler en criant à l'aide, et tenter vainement de combattre les courants et les vagues qu'il produisait, Cthulhu se sentait presque aux anges. Cela lui rappelait cette divine époque où il l'était permis de tuer à volonté, sans limite et sans règle. Il était maître à bord et personne n'était là pour le contre-dire, sous peine de mourir. Mais aujourd'hui, le Dieu poulpe était parfaitement conscient que cette ère était révolue. Surtout depuis qu'il avait ressenti cette drôle de sensation de manque lorsqu'il était arrivé. Il avait su comprendre que la cause n'était autre que cette absence d'adepte à son culte. Le culte de Cthulhu comme certains s'amusaient à le nommer. Il faut dire que même s'il était endormi, le Dieu avait entendu pas mal de choses à son sujet, comme par exemple cette fameuse phrase dite dans la langue des Grands Anciens.

Finalement, Cthulhu préféra replonger sous l'eau afin d'y nager plus rapidement. Et puis, il faut dire qu'il y était plus à l'aise qu'à la surface. Lui qui était autre fois un Dieu de l'espace, un changement s'était largement opéré dans sa manière de vivre. Enfin, si on peut considérer ces derniers millénaires comme vécus. Prenant conscience qu'il allait causer un éboulement évident du sol si l'envie lui prenait de s'y rendre sous sa forme originelle, il emprunta cette nouvelle forme, celle de ce jeune humain. Il n'aimait pas particulièrement cette apparence, mais ça lui permettait au moins d'économiser ses forces en attendant de retrouver de nos adeptes pour lui apporter plus de pouvoirs. Nageant jusqu'à la surface, il y monta sans grand mal et commença à marcher tout naturellement. Ne semblant même pas se rendre compte que ses vêtements étaient complètement trempés. Mais en même temps, le Dieu ne faisait même plus la différence entre le sec et le mouillé, ou plutot il s'en fichait. Rapidement, il arriva dans un endroit qui ressemblait étrangement à un rassemblement d'êtres vivants. Chouette ! Peut-être allait-il pouvoir y trouver des adeptes prêt à rejoindre sa cause de destruction et ainsi lui donner le pouvoir qu'il attendait. Mais pour l'instant, le Dieu était assez intriguée par toute cette agitation, et tout particulièrement de celle de deux êtres se courant après. L'un ressemblait à un enfant et l'autre semblait être un vieu marchand grincheux. Le genre de type que Cthulhu prenait un malin plaisir à dégommer. Mais pour l'instant, il se devait de sauver ce jeune garçon. Par bonté de coeur penserez-vous... ? Nooooooon ! C'est seulement pour l'embobiner. Le laissant doucement passer, il donna un croche-patte à l'homme derrière lui, le faisant ainsi tomber au sol.

- Non mais oh ! Pour qui vous vous prenez ?!

Ce dernier se releva et tenta de donner un coup de poing au visage du Dieu. Cthulhu sans la moindre hésitation et difficulté l'arrêta dans la paume de sa main et la serra fortement pour lui briser doucement les os. D'un sourire sadique, il se délecta de cet instant de pur délice. Observant avec détails les traits du visage de l'homme se tordre de douleur tandis que ses os brisés lui procuraient cette divine sensation. Le Dieu semblait être aux anges, même plus que ça encore. Finalement, il lâcha son poing et l'homme s'en alla sans demander son reste. Cthulhu avait toujours son sourire aux lèvres, sauf que celui-ci avait baissé, il était devenu serein et calme, mais toujours sadique. Il s'approcha ensuite du jeune garçon et le regarda en parlant calmement.

- Tu l'as échappé belle petit !

Vraiment, les humains étaient stupides et avides pour tout et n'importe quoi. Ils étaient prêt à tout pour la plus insignifiante des richesses. Vraiment, cet homme me courait après -ou du moins essayait vu qu'il semblait vite fatiguer- et était prêt à me couper la main -il me semble que c'était un châtiment réservé aux voleurs, à moins que ça ne date d'une autre époque, je ne savais plus tellement- juste pour une pauvre pomme alors qu'il en avait encore plein d'autres.
Heureusement qu'on m'avait demandé ne pas tuer trop d'humains, histoire de ne pas faire baisser le nombre de croyants, sinon il y aurait belle lurette que cet être des plus misérables serait à terre et les entrailles à l'air. Mais bon, cela reviendrait aussi à griller ma couverture. Faire peur au gens et être respecter, c' était bien, mais à la longue, c'était fatiguant. Je ne comprenais pas comment les dieux se plaisaient tant là dedans, c'était bien plus amusant pourtant de se fondre dans la foule sans que personne ne se doute de rien.

Passant avec l'agilité d'un serpent -ce que j'étais dans le fond vous me ferez remarquer- entre les personnes, je distançai facilement mon poursuivant. Cette course commençait à m'ennuyer à présent, je changerais de forme au prochain tournant histoire d'avoir la paix vu que je ne devais pas le dévorer -mais bon, un de plus, un de moins vous me direz, c'est pareil. A moins que cet homme soit le dernier croyant d'un pauvre petit dieu mineure ignoré de tous bien sûr. Raison de plus pour le tuer me diriez vous. Un de ces dieux hypocrites et détestables de moins, je serais loin de m'en plaindre.

Sortant de mes pensées, j'entendis alors l'homme s'effondrer à terre dans un cris ressemblant plus à celui d'une femelle hippopotame venant d'être fécondée. Rien de très gracieux en soit.
Je stoppai ainsi ma course afin de voir par quel malheureux hasard cet homme était tombé. Alors que le marchand se redressait en jurant des choses que je ne citerais pas pour les plus jeunes, je le vis se tourner vers un autre homme. Le nouveau venu semblait avoir la vingtaine, possédant un corps grand et finement musclé, sa chevelure était blonde et semblait ne pas avoir été domptée par un peigne ou un quelconque ustensile de coiffure.
Alors que le vieux marchand s'apprêtait à lui envoyer son poing dans la figure, l'inconnu le bloqua pour lui briser la main en peu de temps. L'humain lâcha un cris de douleur, qui cette fois me fit penser à un goret qu'on étrangle à l'abattoir. Vraiment, cet homme avait un don pour l'imitation d'animaux, il avait loupé sa vocation, je vous le dis.

Alors qu'il faisait demi-tour dans un piètre état, s'attirant le regard curieux des passants, je vis mon « sauveur » -comme si j'avais eut besoin d'aide- s'avancer vers moi en souriant doucement. Je remarquai que son expression avait radicalement changé comparé à celle s'approchant d'une joyeuse démence quand il avait attaqué le marchand. Ce type pensait vraiment me berner aussi facilement?

« Tu l'as échappé belle petit ! »

Le détaillant de haut en bas, je fronçai légèrement les sourcils. Cette aura... S'il pouvait berner un humain, pas moi en tout cas. C'était bien un dieu que j'avais en face de moi. Il ne semblait pas avoir pris conscience de ma nature, ce qui était étrange en soit puisqu'ici tous les êtres divins me connaissaient. Je ne connaissais pas l'aura qui se dégageait de lui non plus, et elle était plutôt faible. Une conclusion toute simple s'engagea dans mon esprit. Un nouvel arrivant, un de ceux que je me devais d'éliminer.
Retenant mes crocs d'apparaître, je fis de mon mieux pour me maîtriser. L'envie de massacre me prenait parfois lorsque j'identifiais un être comme étant l'une de mes proies. Mais je me devais de me contenir, un carnage en pleine ville n'était pas la meilleure des choses à faire.
Je pris alors un air innocent, souriant simplement.

« Merci beaucoup monsieur!»

L'avantage de cette forme jeune était que je pouvais me montrer innocent et naïf sans que ça ne choque. Finissant d'avaler ma pomme avant tout -je n'aimais pas le gaspillage-, je reposai mon regard azur sur le dieu sans nom.

« J'allais me promener sur le port, vous venez avec moi? »

Il y aurait du monde là bas à présent, mais ça serait moins choquant de soudainement voir un dragon des mers apparaître là bas qu'en pleine ville, et l'eau étant mon élément, je serais avantagé. Même si je n'étais pas encore sûr que tout ceci se finirait en bataille. Disons que cela dépendra si les objectifs de cette divinité pouvait ou non servir les miens.